Oublions l'enfer ✟ Cassandra

Installée au fond du café, sur la table qu'elle occupe chaque fois qu'elle est libre, Juliet essaye de dessiner. Présente depuis presque deux heures, elle n'avait quasiment rien fait. Les feuilles chiffonnaient s'entassaient sur un coin de la table, tandis que des feuilles vierges s'étalaient un peu partout. Ses pensées étaient ailleurs. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur ce qu'elle faisait. Juliet ne pouvait s'empêcher de penser à son époux et à tous leurs problèmes actuels. Pas seulement les leurs, ceux que la ville semblait connaître également. Enfin, c'était pour tout ça que Juliet n'était pas restée chez elle aujourd'hui, se promenant un peu partout avant de s'arrêter ici. Elle attendait patiemment Cassandra, une fille qui était arrivée il y a plusieurs mois, à qui elle avait donné rendez-vous. Cette dernière travaillait ici, alors Juliet n'avait qu'à attendre la fin de son service. Cette jeune fille était arrivée d'un peu nul part, jeune, seule... Juliet n'avait pas pu s'empêcher, malgré sa méfiance, de s'en rapprocher pour la rassurer et l'aider à s'adapter à Woodbury. Ce n'était pas facile de débarquer dans une ville inconnue où la majorité des habitants se connaissaient déjà alors Juliet avait voulu l'aider. Cette situation lui faisait un peu penser à cette inconnue qui était arrivée chez ses grands-parents, Rosalyna. L'accueil pour cette dernière avait été bien différent de la part de Juliet qui se méfiait de cette inconnue débarquant en même temps que tous les problèmes touchant la ville. Mais là n'était pas la question. Trop perdue dans toutes ces questions, Juliet raturait une nouvelle feuille avant de la chiffonner et de laisser son visage tomber contre la table. Elle n'allait jamais y arriver ! Elle soupirait encore et encore, mais, heureusement, Cassie vint la délivrer. Juliet relevait la tête en sentant la présence de cette dernière. « Dis-moi que tu as fini ! » La supplia-t-elle, ayant hâte d'arrêter ce massacre.

Travailler en tant que serveuse n’était pas le métier le plus passionnant du monde, mais bon il fallait bien gagner sa vie. Bien sûr, elle commençait aussi sa carrière de détective, mais pour le moment, elle n’était pas connue, donc elle n’avait pas beaucoup de client, par conséquent pas de salaire. Parfois, elle se demandait si elle pourrait réellement en faire son métier, elle aimait ça, mais elle devait penser aussi à son avenir, seul le temps le lui dirait. Sa vie avait changé depuis le jour où elle s’était enfuie, elle n’avait jamais regretté son choix, elle n’avait jamais recontacté ses parents, mais elle s’était demandé si on l’avait recherché. Pas d’importance, le passé c’est le passé, aujourd’hui, elle avait rendez-vous avec Juliet, elle l’avait rencontré à son arrivé et elle s’était bien entendu avec elle. Ce n’était pas toujours facile d’être la nouvelle, mais elle s’était assez bien intégrée. Les deux jeunes femmes s’étaient données rendez vous ici, après le service de Cassandra. Son patron était satisfait de ce qu’elle faisait, donc aucun risque de se faire renvoyer. La fin arriva, c’était un soulagement, car servir des clients pendant des heures, c’était dur. « J’ai fini, tu m’attends depuis longtemps ? » Cassandra n’avait pas fait attention. « Contente de te voir, j’ai l’impression que ces derniers temps, les choses changent, c’est bizarre. » Est-ce qu’elle était la seule à avoir cette sensation ? Son amie était peut être mieux informé qu’elle.

Juliet n'en pouvait plus, elle n'arrivait à rien. Elle n'avait qu'une hâte, voir Cassandra terminer son service pour qu'elle puisse discuter et penser à autre chose que ses dessins. Elle détestait se prendre autant la tête pour dessiner, c'était quelque chose qui devait venir naturellement, sans quoi ses dessins étaient forcément moins bons et même parfois, carrément mauvais. Et enfin, Juliet fut délivrée à l'approche de son amie. C'était presqu'en la suppliant qu'elle lui demanda si elle avait bientôt fini. « J'ai l'impression de t'attendre depuis des jours ! » Exagéra-t-elle avant de lâcher un sourire. Sourire qu'elle avait oublié rapidement aux mots de la jeune fille. Alors elle aussi, elle avait remarqué. De toutes façons, comment le contraire aurait-il été possible ? Tout le monde avait remarqué les changements dans cette ville, les nouveaux comme les anciens. « Tu veux qu'on reste un peu ici, au chaud ? Ou tu veux partir tout de suite ? » La questionna-t-elle, puisqu'elle avait peut-être envie de quitter le lieu où elle travaillait rapidement pour changer d'air, avant de reprendre. « Tu peux le dire. Je vis ici depuis vingt ans et je n'ai jamais vu la ville dans cet état. » affirma-t-elle tout en réunissant les diverses feuilles qui traînaient sur la table. « Personne ne veut ou ne peut m'expliquer ce qu'il se passe ! Tu as entendu des choses ? » La questionna-t-elle, curieuse.

« Je ne savais pas que je te manquais autant. » Elle se mit à rire, c’est vrai qu’attendre que quelqu’un finisse son service, ça pouvait paraître immensément long. « On a qu’à partir maintenant, tu sais au cas ou il y aurait des oreilles indiscrètes. » Ce n’est pas que Cassandra avait des choses à cacher, mais elle n’aimait pas être épié, elle voulait juste passer un moment sympa avec une amie, décompression avec plusieurs heures de boulots, à piétiner pour apporter les commandes. La jolie blonde avait commencé à aborder un sujet qu’elle pensait assez sérieux. « Je n’ai aucune piste pour le moment, mais il y a sûrement une raison rationnelle. Certains divaguent, en parlant de sorcellerie, alors que ce genre de choses n’existent que dans l’imaginaire. » Elle comptait bien le prouver, pourtant, il y avait toujours un doute, elle n’avait beau ne pas croire au surnaturel, pour le moment, elle n’avait aucune explication. « Tu me le dirais si tu savais quelque chose ? » Ce n’était peut-être pas une bonne idée de dire ça. « Excuse-moi, c’était maladroit, c’est juste que j’ai l’impression que même mon meilleur ami me cache des choses et ça me travaille, je suis peut-être juste paranoïaque ». Cassandra restait préoccupée et elle ne pouvait le cacher. « Peut être que mon agence de détective va enfin fonctionner un peu mieux. » Surtout si les gens commençaient à se poser des questions.

« Enfin, tu me manques toujours ! » ajouta-t-elle sur le même ton de la plaisanterie. A la réponse de la jeune femme, Juliet acquiesça. Elle n'était pas contre quitter cet endroit, elle était là depuis un sacré moment et changer de décor ne pourrait lui faire que du bien. Juliet se mit donc débout, récupérant toutes ses affaires qu'elle jeta dans son sac tout en écoutant son amie qui parlait de l'état actuel de la ville. A sa question, elle fut surprise, mais elle comprenait. Tout le monde semblait cacher des choses à tout le monde. Tout le monde semblait savoir quelque chose et comme l'avait évoqué Cassandra, certains allaient même jusqu'à parler de sorcellerie. « Ce n'est rien, je comprends... J'ai cette même impression venant de mes proches, j'ai l'impression que beaucoup cachent des choses et je ne comprends pas pourquoi... » Après tout, jusqu'à maintenant il n'y avait aucun secret alors pourquoi en avoir sur quelque chose de si important. « Je ne sais rien... Enfin pas grand chose... Juste des hypothèses, je te le promets ! » Jura-t-elle en mettant son sac sur son épaule après avoir enfilé son manteau. Les deux femmes se dirigèrent vers la sortie et Juliet reprit. « Je sais que ce tatouage semble provoquer des changements de comportement assez important chez les porteurs et que tous les changements en ville semblent liés, mais c'est tout... » Tout ce qui était important ou réaliste en tout cas. « Je l'espère pour toi ! Tu as déjà eu des clients ? » par rapport à la situation en ville ce ne serait pas étonnant. « Qu'est-ce qui te fait penser que ton meilleur ami te cache des choses ? » Demanda-t-elle, curieuse, en frissonnant en sentant l'air frais sur elle à peine la porte passée.

« Je pense qu’on a tous des secrets, mais dans cette ville ça semble plus prononcé. » Cassandra elle-même avait ses secrets sur son passé, le fait qu’elle ait fui cette famille, elle n’en parlait pas à grand monde, elle avait ses raisons, elle ne supportait plus sa vie d’avant, être la fille de parents pleins aux as, ça ne lui avait pas apporté le bonheur au contraire, elle en avait souffert. « Je te crois ne t’inquiète pas, mais je veux bien entendre tes hypothèses, ça pourrait me servir dans mon enquête. » Comme elle l’avait appris, il ne fallait négliger aucune preuve. « Un tatouage, mais c’est bizarre, comment ça pourrait provoquer un comportement différent ? A moins qu’il existe une secte et que tous ceux en faisant partie se font tatouer. On se croirait dans un film, je te jure, c’est très étrange. » Et voilà, elle allait voir des complots partout, mais elle essayait juste de trouver une explication qui soit rationnel, qu’on ne lui parle pas de magie ou autre truc du genre, pour elle ce n’était que des idioties, qui pourrait croire à des trucs pareils. « Quelques personnes se sont présentées, ça vient petit à petit. » Une personne l’avait engagé pour retrouver son chat, ce n’était pas très intéressant comme genre d’enquête. « Je ne sais pas, en ce moment je le trouve différent, ça m’inquiète, je veux qu’il puisse me faire confiance, je tiens à lui. » C’était même plus que de l’amitié, mais ça pour le moment elle avait du mal à l’accepter.

D'après Juliet, avoir des secrets, c'était normal, mais avoir de tels secrets, non. Ici les gens semblaient cacher des choses horribles et incroyables si on écoutait ce que certains disaient. Le plus étrange, le plus agaçant et le plus vexant, c'était de voir nos proches savoir des choses, mais refuser de les dire. Pourquoi tout à coup de tels cachoteries ? Pourquoi tout à coup ne plus tout se dire ? C'était compliqué à comprendre. Cassandra semblait mal le vivre également et elle demandait même à Juliet si elle ne cachait rien. Elle avait promis parce que c'était vrai. Juste des hypothèses, mais elle ne savait rien de sûr. « J'ai le choix, j'ai entendu parler de changements climatiques responsables des changements d'humeur, de sorciers qui auraient jeté un sort aux habitants et à la ville... D'un hasard total concernant le tatouage... Tu préfères quelle histoire ? » Parce que de toutes, aucune ne pouvait réussir à convaincre Juliet. Juliet vint ensuite à évoquer le tatouage. A chaque fois que Juliet parlait avec quelqu'un, ce quelqu'un lui sortait une nouvelle hypothèse, elle allait finir par en écrire un livre. Quoi que cette fois-ci l'idée de la secte lui semblait plus réalistes et probables que tout ce qu'elle avait entendu jusqu'ici. « Je ne sais pas, mais ce sont de vrais changements, importants, parfois violents. A n'importe quel moment et ça ne dure jamais. » Elle pouvait en parler, elle le savait à force de voir son époux subir tout ça. « Une secte ? C'est certainement la meilleure hypothèse que j'ai entendu jusqu'ici... Mais je n'imagine tellement pas mon mari là-dedans... Enfin, je ne sais plus ce que je dois croire... Peut-être que je me trompe sur lui. »

Elles laissaient le sujet de côté pour parler un peu du métier de Cassandra. Elle était contente que les choses commençaient à bouger pour elle, parfois il fallait juste du temps. Puis les filles vint à parler du meilleur ami, changeant, de Cassandra. « Différent ? Depuis quand ? Qu'entends-tu par différent ? » beaucoup de questions, mais elle se disait que peut-être était-ce lié à la ville pour lui aussi.

« La magie n’existe pas donc tu peux oublier la théorie sur des sorciers, on n’est pas dans un film. » Cassandra ne voulait pas entendre ces foutaises, elle n’y croyait pas, ici c’est le monde réel pas une fiction. Même si elle devait reconnaître que les choses qui se passaient dans cette ville étaient très bizarres. « Celle des changements climatiques est déjà plus plausible, ça pourrait expliquer les changements d’humeur. » Elle savait par exemple que la pleine lune pouvait avoir des effets secondaires sur les gens, ce sera scientifique, pour sa part, elle n’avait jamais ressenti de différence. « Et si c’était quelque chose en rapport avec de l’eau ou un aliment ? » Bah quoi ça pourrait être le cas, les gens qui ont des comportements étranges parfois violent, ça se trouve quelque chose a été versé quelque part et à contaminer l’eau. Mais si c’est le cas, tout le monde devrait être touché et ça n’expliquait pas le tatouage. Sauf si tout le monde dans un excès de folie se sont fait ce tatouage. « Ton mari fait partie des personnes touchés ? » Elle était surprise, elle n’était pas au courant, ça ne devait être délicat pour Juliet. La jeune femme avait ensuite évoqué son meilleur ami. « Je ne sais pas, j’ai cette intuition, mais je sais que c’est quelqu’un de bien, mais peut être que je ne sais pas tout de lui. » Après tout, elle était arrivé là récemment, comparé à des gens qui vivaient dans cette ville depuis des années.

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