Histoire ou anecdotes
La vie, a toujours été décrite par tout un tas de métaphores étranges, s'embrumant dans les méandres des pages de livres parfois oubliés. Poètes, peintres, et simples philosophes se sont acharnés à la dépeindre, à tenter de l'expliquer par des mots ou une apparence. Comme tous les autres concepts existants au monde, comme tous les sentiments, comme tout ce qui a toujours été abstrait.
Mais au fond, la vie, c'est juste ça : quelque chose qu'il faut vivre pour le comprendre, et que probablement, on connaît mieux quand on approche de la mort.
La vie de certains hommes, sont palpitantes, offrent des rebondissements à faire dépeindre des autobiographies se transformant en best-seller. Ma sœur est ma mère, ma mère est un bourreau, mon père a toujours été celui qui voulait être avec moi.
Et au fond, personne n'a jamais fait attention à ceux, qui comme Edward se contentaient d'annoncer :
Mon père est parti quand j'avais trois ans, parce qu'il avait rencontré quelqu'un d'autre, une femme probablement plus sublime, ou plus riche que ce qu'était ma mère. Ma mère, était le genre de mère classique, aimante et douce, mais ferme quand l'enfant était un problème, et qu'il n'apportait rien de bon. C'est avec elle que j'ai grandi, certains pourraient croire que je pus devenir une fillette, un homosexuel, ou n'importe quoi d'autre. Je devins juste le fils de ma mère, reprenant alors jusqu'à son nom de famille, oubliant ce père dont les souvenirs s'estompaient au fur et à mesure des années.
À présent, ne me reste qu'une idée, un vague rappel, d'un homme qui me portait sur ses épaules, et courait avec moi sur un chemin de forêt. Mais après réflexion, il m'est difficile de savoir si c'est un souvenir que ma mère m'a raconté, ou si c'est quelque chose dont je me rappelle vraiment.
Au-delà de l'idée d'un parent qui aurait changé toute la psychologie, et qui pourrait faire bondir Freud hors de sa tombe, les histoires content parfois d'autres choses. Qui n'a jamais vu un article de journal au titre surprenant, pour dévoiler une histoire rocambolesque. C'est à ça que servent les faits divers, à être variés, mais sans cesse toujours plus surprenants.
Pourtant, encore une fois, une vie classique offre souvent son lot de faits divers, mais jamais grand chose de bien profond :
Je fus un bon élève, voire, un très bon élève. Mais parce que j'étais trop discret, que je n'aimais pas tant parler, et surtout, que j'avais cette tendance à reprendre sans cesse les professeurs, je n'étais pas tant le premier. Je ne me faisais pas autant remarquer que je l'aurais pu, et si j'avais des amis, ils n'étaient que peu nombreux, mais suffisant pour que je passe une enfance plus que correcte. Ma mère, simple épicière, faisait tout pour subvenir à nos besoins, et si elle eut quelques déboires, comme des employés aux mauvaises pensées, ou un braquage - pour ne gagner que quelques billets minables -, elle restait toujours cette femme qui n'avait pas tant pour elle, et qui n'attirait pas.
Moi-même, je ne demandais pas à devenir un surhomme, un génie, quelqu'un de connu. Cela ne m'empêcha pas de m'intéresser à ceux qui l'étaient devenus. Rapidement, durant le début de mon adolescence, je me pris pour passion de cette matière que certains trouvent somnifère : l'histoire.
J'étudiais avec intérêt l'histoire des grands hommes, à défaut des femmes puisque celles-ci n'étaient pas tant mises en avant.
C'est peut-être pour cette raison, que cela m'amena à plus tard, les étudier plus en détail.
Dans toute histoire, même de ceux connus, il y a un fond de famille. La mère de Louis XIV, la tante de Platon, et pourquoi pas le cousin germain de Nikola Tesla. Parfois, la famille se fait connaître autant que ce qui l'entoure, mais souvent, ce sont des bruits de fond, des protagonistes externes qui ne sont là que pour donner une famille au personnage. Néanmoins, la famille a toujours été importante, et ce n'était pas Edward qui dirait le contraire :
Dire que je m'entendais avec mon oncle aurait été un euphémisme. Nous étions réellement proches. Probablement parce que le frère de ma mère avait cette étrange particularité de n'avoir que dix ans de plus que moi. Il était jeune, et la famille de ma mère nombreuse. Pourtant, entre ses neuf frères et sœurs, il n'y eut qu'avec mon oncle Richard que je m'entendis réellement. Probablement parce qu'il fut plus là que tous les autres, puisque lorsque j'habitais Bath, il vivait lui, à Woodbury. Je passais quelques-unes de mes vacances chez lui, quand je fus adolescent, et découvris alors un nouveau sujet qui vint m'intéresser. Probablement parce qu'il me parla de sorcellerie, et de ce qui s'y rattachait. Du sombre passé de sa ville, dans laquelle il vivait depuis ses dix-huit ans. Il y avait trouvé l'amour, parait-il, et depuis, ne se détachait plus de sa femme ni même de la ville, tout de même attristé de son histoire. Mais c'est parce qu'il m'en parlait, que je décidais de me consacrer à l'étude de ce sujet.
Ce ne sont pas ceux qui gardent le silence, qui font l'histoire. Leur vie ne semble qu'un ramassis de murmures, et il est indéniable que ceux qui portent à la plume et à l'encre, la vie des autres, préfèrent la facilité : écouter ceux qui clament haut et fort leur identité, leur combat, leur valeur. Ceux qui font le plus de bruit, que ça soit en mal ou en bien. Mais ceux qui sont posés dans un coin de la pièce, concentré sur leur but, ne voyant que lui, n'intéressent personne.
Toutefois, si ceux qui parlaient de l'histoire avaient juste un peu tendu l'oreille, tentant de causer avec ces gens là, ils auraient découvert des trésors :
J'ignore ce que les gens ont pu penser de moi, quand je décidais, pendant mes études universitaires, de me consacrer pleinement à l'étude de la chasse aux sorcières, et à la sorcellerie en général. À vrai dire, j'aurais pu savoir, si j'avais fait attention à ceux qui m'entouraient, mais j'appréciais trop la compagnie des livres pour pouvoir ne serait ce qu'un seul instant songer à voir ailleurs que les mots écrits sur les pages qui me faisaient face. Et puis, je préférais rester concentré. Je désirais profondément parvenir à connaître mon sujet, et plus j'en découvrais, plus je comprenais combien l'humain pouvait être tordu. Beaucoup ont toujours cité la Seconde Guerre mondiale pour parler des horreurs de notre nature. Mais je vous conseille simplement de vous renseigner, même juste un peu sur le sujet de la chasse aux sorcières pour comprendre qu'en vérité, l'humain avait bien avant cette guerre, déjà fait ses preuves en la matière. Ma mère en fut horrifiée, quand je lui contais quelques exemples. Elle se demanda même si mon oncle Richard n'avait pas une mauvaise influence sur moi. J'imaginais que je ne pouvais pas la convaincre qu'elle se trompait, alors je l'ignorais, elle aussi, à son tour.
Bien sûr, des tragédies, il y en a toujours eut à remplir les rayons de la page nécrophilie des journaux. Partout, dans le monde, il fallait annoncer aux gens qui était mort, et l'air de rien, il y avait assez de personnes pour que ça prenne, à chaque fois, assez de place pour que tout soit indiqué en petit. Comme si soudain, le fait de ne plus exister n'avait aucun sens, et qu'il n'y avait pas besoin de s'étaler là-dessus. Certains diront probablement que la mort étant la fin, pourquoi en faire des pavés ? Et pourtant, il semble évident que si on a eut de cesse de vouloir trouver des mots pour la vie, la mort n'à rien à lui envier.
Néanmoins, il en resta que la mort actuelle n'était que deux lignes dans un journal, et l'ignorance du deuil de la famille. Sauf si, encore une fois, vous aviez un tant soi peu de célébrité. Mais ce n'était bien sûr, pas le cas d'Edward :
Ma mère mourut alors que je terminais mes études à l'université. Je ne fus même pas là pour entendre ses derniers mots, ni même pour lui dire au revoir. Elle partit sans prévenir, d'un arrêt cardiaque, et pendant un instant, j'eus l'impression qu'un pan de ma vie s'effondrais, et que ce pan, je ne pourrais jamais le retrouver complètement. Je regrettais soudainement d'avoir fait si peu attention à elle avant de la voir partie. Mais cela n'avait rien de surprenant. On regrette toujours tout un tas de choses quand quelqu'un qu'on aime vient à mourir. Je la laissais partir, l'enterrais et fis avec, bon gré malgré. Avec le soutien de tous ses frères et sœurs, qui me proposèrent à tour de rôle de l'aide financière ou d'autres compensations ridicules. Mais je préférais me débrouiller seul. Je ne pouvais pas croire en leurs sourires et en leur bonté. J'acceptais juste l'argent que me proposait mon oncle Richard, parce que je croyais en lui. Et c'était bien le seul, à présent, à croire en moi. Du moins, j'en avais l'impression.
Étrangement, la vie joue parfois de hasard, et fait qu'elle se lie parfois à cette étrange chose qu'est l'amour. Un concept tout aussi indéfinissable, et qui pourtant, est toujours raconté de la même façon. Une sorte de grippe, qui nous fait penser sans cesse à l'autre. Mais il est vrai que ce n'est pas l'amour qui attrapa Edward. Plus la vie, et son schéma de routine.
Je me pensais amoureux. Elle était jolie, elle correspondait aux critères de beauté qu'on m'avait toujours démontrés comme juste. Elle ne me jugeait pas sur ma particularité de faire des recherches sur quelque chose dont les gens n'avaient pas l'habitude. Elle était juste là, attentive, créative, curieuse et amoureuse. Nous passâmes alors du temps ensemble, et, je découvrrais le bonheur d'être chercheur, et mon époque favorite fut sans cesse là sous mes yeux.
Nous étions heureux, à mon souvenir. Et je la demandais même en mariage. Mais probablement qu'une sorte de symétrie littéraire me poursuivis, puisque je la retrouvais dans le lit, avec un autre qui n'était pas moi, et qui ne me ressemblais même pas. À cet instant, il est vrai que j'aurais tout donné pour que ma mère fut encore vivante afin de lui parler de tout ça, que nous rîmes ensemble, à défaut d'en pleurer. Mais il n'y eut pas ma mère, juste moi, ma chambre vide, mon appartement vidé de toute autre présence que la mienne, et mon cœur vidé d'un amour factice auquel il n'était plus sûr d'avoir cru un jour.
Quand la vie approche de sa fin, on le sait, on le sent d'une façon ou d'une autre, et de toute évidence, il est difficile de lutter. Pourtant, peut-être que la vie, ce n'est pas si facile à conter, de son début à sa fin. Surtout quand quelque chose de particulier s'y mêle, quand quelque chose d'improbable subsiste. Ce n'était pas Edward qui pouvait dire le contraire :
Je reçu un appel. La dernière fois que j'avais reçu un appel de mon oncle, cela datait. Il m'avait juste annoncé que de toute évidence, même si ma mère était morte, cela ne l'empêchait pas de lui rendre visite en rêve. Ma mère était morte il y avait miantneant des années, et pourtant son souvenir subsistait. Mais je savais que c'était parce qu'elle avait existé et qu'elle était partie, que je m'étais presque éloigné de mon oncle, et qu'on ne s'était plus tant revu. Ou bien, c'était la vie, qui avait joué de faire de moi un homme comblé par son métier, me faisant oublier jusqu'à ma famille et tout ce qui m'entourais.
Dans tous les cas, il était deux heures du matin, et je reçus un appel de mon oncle. Qui semblait paniqué, sa voix avait des tons parfaitement inquiets, et ce qu'il disait n'avait aucun sens :
- Eddie, j'ai besoin de toi ! On a besoin de toi ! Moi, et surtout, surtout Gwen et Maria.
- Comment ça ?
- On a besoin de ce que tu sais, on a besoin de ce que tu fais. Tu dois nous aider ! C'est horrible... Comment ça peut être probable ?
Au début, tout me semblait impossible. Mon oncle se mit à me parler de sorcellerie, comme si tout cela existait réellement. J'eus envie de lui parler de tout ce que j'avais appris, de le rassurer, mais il semblait sérieusement inquiet. Et je savais pertinemment que Richard ne s'emballait jamais ainsi pour une raison aussi stupide que "la magie existe". Sauf si la magie existait réellement. Je ne fus sûr de rien, et pourtant, voilà maintenant une semaine que j'arrivais à Woodbury. Ville où je n'étais plus revenu depuis bien des années. Il me montra sa femme. Il me montra sa fille. Et je vis la ville comme elle était.
J'ignore d'où proviennent ses tatouages, s'il s'agit réellement de sorcellerie, ou si c'est juste des commérages de vieille femme un peu sénile, mais je sais qu'étrangement, j'ai décidé de prendre cela au sérieux, et d'enquêter et de chercher.
Après tout, c'était parce que cette ville existait, elle et son passé, que j'avais consacré ma vie à l'étude de la sorcellerie et de la chasse liée à cela. Alors pourquoi ne pas mettre à profit ses connaissances autrement qu'en écrivant des livres sur des connaissances obtenues dans d'autres livres ?
Encore faudrait-il que cela existe réellement. Et là, j'ai encore un doute.