Histoire ou anecdotes
« Henry.
Je sais bien que toi et moi ça n’a pas toujours été facile entre nous, bien au contraire même. La vie n’est pas un long fleuve paisible comme l’on pourrait le croire, tout comme la magie il y a les bons et les mauvais côtés. Alors je t’en prie, ne fais pas ça. Pense à ta pauvre mère, pense à ta famille. Elizabeth ne l’avouera certainement jamais car elle est têtu, tout comme toi, mais je sais que ton départ pour l’Islande va la bouleversé. Elle a déjà perdu ton père il y a quelques années et maintenant elle va perdre son fils. Tu es majeur alors tu es libre de faire ce que tu veux, mais c’est une grossière erreur de penser de penser que tes problèmes se résoudront là-bas. La fuite n’a jamais été la solution. Réfléchie bien, Henry. N’oublie pas que le temps passe et que le temps ne pardonne pas.
Ta tante »
Lettre de Mary Taylor à Henry Putnam, Woodbury, 1989
«Ma très chère tante,
Je ne vous déteste pas, comme vous semblez le penser, au contraire de ma mère dont je ne supporte plus la présence. Mon choix est fait. Pour le moment, j’ai besoin de changer d’air, celui de Woodbury m’étouffe, cette ville est malsaine, ne le ressentez-vous donc pas ? Peut-être m’est-il plus facile de le remarquer, moi qui pratique la magie blanche au contraire de vous. Dans tous les cas, soyez sans crainte, je reviendrais un jour… Probablement.
Ton neveu ingrat. »
Lettre de Henry Putnam à Mary Taylor, Woodbury, 1989
«Mon cher neveu,
Ingrat est un mot bien trop faible pour représenter ce que tu es. Tu as quitté la ville au beau milieu de la nuit, sans un adieu. Elizabeth est inconsolable, j’espère que tu en es bien conscient. Trouve ce que tu cherches et reviens le plus vite possible avant que ma sœur nous quitte de tristesse.
Ta tante exaspérée »
Lettre de Mary Taylor à Henry Putnam, Woodbury, 1989
« Ma très chère tante,
Cela fait bien longtemps que nous ne nous sommes plus écrits. J’ai trouvé le bonheur ici, dans une petite ville proche de Reykjavik. Les paysages sont magnifiques ici, bien loin de ceux de Woodbury. C’est lumineux, il y a beaucoup de pluie aussi mais c’est agréable, la végétation est abondante en plus. Il y a également du nouveau dans ma vie sentimentale, tu n’approuveras pas mais je suis tombé amoureux d’une femme d’ici, Son nom est Alaska. C’est la plus belle femme qu’il m’ait été donné de voir dans ma vie, sans offense pour toi et mère. Elle est rousse aux yeux verts, elle est gracieuse, bienveillante, comme un ange tombée du ciel, mais c’est une humaine. Je connais les traditions familiales, l’interdiction de nos ancêtres de se marier avec des « puritains », ce que vous avez transposé à tous les humains en général au fil du temps. Seulement, nous vivons dans une nouvelle époque, la chasse aux sorcières est révolue depuis bien longtemps et il faut vivre l’instant présent. Mon cœur me dicte que je veux passer ma vie avec cette femme, peu importe nos traditions. Je vis dans le présent, dans l’avenir et non dans le passé, je ne suis pas vous. J’espère que vous comprendrez mon choix, mère et toi.
Ton neveu heureux »
Lettre de Henry Putnam à Mary Taylor, Reykjavik, 1992
«Mon cher neveu,
Décidément, tu me déçois un peu plus chaque jour. Comment peux-tu agir de la sorte ? Les humains ont toujours détestés les sorciers et les sorcières et ce n’est pas demain la veille que cela changera. A ton avis, que dira ta fameuse Alaska lorsque tu lui avoueras que tu pratique de la sorcellerie, que ce soit de la magie blanche ou non ? Elle prendra jambe à son coup, comme tous les autres. Nous n’aurions jamais du écouter ton père. Savais-tu que c’était lui qui avait réussi à convaincre ta mère de te laisser choisir ta voie ? De te laisser choisir si tu voulais pratiquer la magie blanche ou noir, voir les deux ? Si cela n’avait tenu qu’à moi, tu te doutes bien de la voie que j’aurais choisi pour toi. Je ne parlerais pas à ta mère de tes sordides confessions, ça la tuerait. Tu ne comprends pas les souffrances qu’ont éprouvées nos ancêtres, tu ne le comprendras même probablement jamais. J’ai honte de toi, tu fais honte à notre famille, mais il n’est pas encore trop tard…
Ta tante en colère »
Lettre de Mary Taylor à Henry Putnam, Woodbury, 1992
« Ma très chère tante,
Vous devriez éviter de vous mettre en colère ou les rides que vous craignez tant risqueraient d’apparaître subitement. Ne vous inquiétez pas le moins du monde concernant la réaction d’Alaska, elle est au courant depuis des mois pour moi et cela n’a eu que pour effet de renforcer notre amour l’un pour l’autre. Le peuple Islandais est fier, mais ouvert d’esprit. Le folklore prend une grande place ici, c’est un lieu magique, un lieu de rêve. D’ailleurs, malheureusement pour vous, il est trop tard. Au moment où j’écris ces lignes, je t’annonce qu’Alaska est enceinte, j’ai pu voir par ma magie qu’il s’agissait d’un garçon. Je vous en prie, ne portez pas toutes les deux vos jugements sur lui. Je lui veux une vie heureuse, loin de votre haine et de votre hypocrisie ou jamais il ne vous rencontrera. Il connaîtra la liberté, l’amour et la tolérance, tout ce que je n’ai pu avoir dans mon enfance par votre faute
Ton neveu qui découvre le bonheur »
Lettre de Henry Putnam à Mary Taylor, Reykjavik, 1992
«Mon pauvre neveu,
Quelle horreur de lire ta lettre, as-tu perdu la tête ? Mes rides se portent bien, je te remercie pour tes inquiétudes. Je considère tes choix comme douteux, voir néfaste pour notre famille. De plus, notre relation est stérile. Je pense qu’il serait temps de mettre fin à cette mascarade, tu ne crois pas ? Tu es heureux, tant mieux pour toi. En ce qui me concerne, je ne te répondrais plus. Libre à toi d’écrire à ta mère cependant, la femme que tu as abandonnée au profit de ta fameuse liberté, tu t’en souviens ? Bien le bonheur à toi dans ta vie si fabuleuse.
La femme qui était ta tante. »
Lettre de Mary Taylor à Henry Putnam, Woodbury, 1993
« Ma très chère tante qui n’est plus ma tante,
Vous savez tout aussi bien que moi qu’il est inutile d’écrire à mère, je suis de toute manière persuadé que vous lui montrez toutes mes lettres. Quoi qu’il en soit, je vous annonce que la « famille » vient tout juste de s’agrandir, il se nommera Atlas. Atlas pour notre amour pour le voyage. Atlas qui jadis, eu le fardeau de porter le monde, lui aura celui de vous supporter toutes les deux. Et finalement, Atlas, car c’est un très beau prénom. Ne vous inquiétez pas, son nom de famille sera bien Putnam et non Henrysson, au moins il aura un lien avec vous. Alaska se porte elle aussi très bien, c’est une très bonne mère, vous n’avez pas à vous en faire de ce côté-là.
L’homme qui était ton neveu »
Lettre de Henry Putnam à Mary Taylor, Reykjavik, 1993
« Ma très chère tante muette,
Je n’ai jamais reçu de réponse à votre lettre, je suppose donc que vous voulez effectivement couper les ponts. Soit. Cela ne m’empêchera pas d’écrire mon bonheur à travers mes lettres. Atlas grandit bien, il a même récemment eu la première apparition de ses pouvoirs. Il ressemble beaucoup à sa mère physiquement, mais il a mes yeux. C’est ma petite fierté personnelle d’ailleurs, même si ceux d’Alaska sont bien plus magnifiques que les miens. Que dire à part à part qu’il est heureux ? C’est un garçon plutôt calme, très proche de la nature. Il me rappelle ton fils de côté-là, Erik. J’espère qu’un jour vous pourrez le rencontrer, vous découvrirez alors à quel point il est spécial.
Ton neveu qui parle »
Lettre de Henry Putnam à Mary Taylor, Reykjavik, 1997
« Très chère inconnue,
Toujours pas de lettre de votre part, cela fait tout de même dix ans. Comptez-vous réellement laisser la situation comme cela ? Nous ne sommes plus à la maternelle, bouder n’est pas digne de votre âge, chère tante. Il arrive étonnement que vous me manquiez toutes les deux, de temps à autres. Surprenant après ce que vous m’ayez fait subir, n’est-ce pas ? Bref, passons aux nouvelles annuelles. Atlas a toujours de très bonnes notes, il est très sérieux dans ses études. C’est aussi une boule de joie et d’amour, il essaie de faire en sorte que tous les gens autour de lui soient heureux, c’est la bienveillance incarnée. Il a des affinités très fortes avec la magie blanche, dommage pour vous. Peut-être aurait-il le pouvoir de vous changer, de vous rendre moins aigris ? Je vous ai envoyé dans la lettre une photo de notre petite famille, ils sont beaux tous les deux, n’est-ce pas ? J’ai parlé à mon fils de vous, il a souri en apprenant votre existence. Cette fois, c’est à moi de le demander : s’il vous plait, ne gâchez pas tout, pensez à lui. Peut-être qu'un jour il aimerait vous rencontrer.
Un autre inconnu »
Lettre de Henry Putnam à Mary Taylor, Reykjavik, 2003
Woodbury, 2007Mary et Elizabeth prenaient leur petit-déjeuner, sans se douter de la nouvelle qui allait les frapper. Il avait suffi d’une lettre pour tout changer. Elle était posé-là, sur la table, venu tout droit d’Islande. Elle n’avait pas encore été ouverte. Depuis le temps, les deux femmes n’en voulaient plus à Henry, l’eau avait réellement passé sous les ponts et elles avaient compris elles-aussi leurs erreurs. Pourtant, elles n’avaient jamais répondu à Henry, accablés par la honte. Mary prit la lettre et en sortit le contenu.
« Je vais te lire la lettre Elizabeth »« Merci », répondit-elle simplement d’une voix fragile.
« Mesdames. C’est avec une immense tristesse que nous vous annonçons le… »Mary s’arrêta sous le choc, des larmes perlaient au coins de ses yeux. Elle regarda sa sœur qui lui indiquait de continuer la lecture. Elle hocha la tête, reniflant.
« Nous vous annonçons le décès de Henry Putnam et de sa femme Alaska Jonnsdottir suite à un accident de la route ce matin 26 décembre 2007. Leur fils, Atlas, étant encore mineur et n’ayant pas d’autres membre de sa famille sur notre territoire devra alors héberger chez vous ou partir en famille d’accueil. Toutes nos condoléances pour votre famille. »
Les deux sœurs pleurèrent dans les bras l’une de l’autre. Jamais elles ne pourront s’excuser, ni dire à Henry qu’elles l’aimaient.
Woodbury, de 2008 à nos joursAtlas arrivait dans sa nouvelle maison, lasse. Toute sa joie de vivre s’était envolée lorsque ses parents sont décédés. Il était là lui aussi ce jour-là dans la voiture, mais il avait simplement eu moins de chance. Dans ce genre de drame, être l’unique survivant était cruel, bien plus cruel qu’être mort. La vision de ses parents couverts de sangs, devant lui, demeura toujours gravée dans son esprit. Les années qui suivirent, il fit encore de nombreux cauchemars de l’accident, ils ont heureusement disparus aujourd’hui.
Il avait finalement fait la connaissance de sa grand-mère, très différente du portrait que dressait son père à son sujet. Il parlait d’elle comme d’une femme forte, espiègle et cruelle, mais le jeune garçon ne voyait qu’une coquille vide. Il eut beaucoup de mal à s’habituer à son nouvel environnement. Il avait l’impression qu’ici, tout était plus triste, plus morne. La ville de Woodbury n’avait aucun charisme selon lui.
En grandissant, il continua également l’apprentissage de la magie blanche mais aussi de ses vraies études. Il voulait devenir professeur comme sa mère le fut elle aussi de son vivant. Il suivait les traces de ses parents qu’il avait tant aimés. Malgré la souffrance, il ne s’écartait pas de la voie qu’il s’était fixé. Il avait vécu cette disparition comme un traumatisme qui aujourd’hui encore, restait ancré.
Au fil du temps, la joie et les sourires étaient revenues, mais un vide profond persistait. Il n’était pas le même que dans son enfance, il avait grandi plus vite qu’il ne l’aurait dû et Il a fini par cacher ce mal qui l’habitait, trompant les autres par de faux sourires lorsque la déprime s’installait, se disant que peut-être tout ça l’aiderait à se sentir mieux. On le voyait alors comme ce garçon qui essayait de rendre les autres heureux, ce garçon qui paradoxalement n’arrivait pas à l’être mais dont personne n’en avait conscience. Il avait cette sensation que personne ne le comprenait réellement
Récemment, les tatouages sont arrivés. Les fameux tatouages porteurs d’une malédiction. Sa nouvelle famille lui avait expliqué ce dont il s’agissait et c’était pour lui une catastrophe. Ils étaient les damnés, descendants des meurtriers des sorcières de cette même ville il y a cela plusieurs siècles. Si sa famille était pour cette purge, il la refusait catégoriquement. Il n’y avait aucun intérêt à se venger aujourd’hui, il ne voyait pas l’intérêt tout court de répondre au mal par la mal. Il cherche activement un moyen d’arrêter cette malédiction avant qu’elle ne fasse sa première victime. Cela est inconcevable de voir à nouveau ses proches mourir lentement devant lui.
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